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Sur le fil de la vie
Sur le fil de la vie
13 mai 2006

Chapitre 2 : L'accident

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Mon cœur s'emballa immédiatement. C'était forcément en rapport avec Ulym, il n'était pas rentré !
"Que… que... qu'y a-t-il ??? bredouillais-je péniblement.
-Madame Genallu, je vous appelle des urgences du CHU."
Un silence. Mon dieu, pourquoi ne parle-t-elle pas ? Mille pensées se bousculaient dans ma tête, toutes plus horribles les unes que les autres. La femme reprit :
"Il y a environ deux heures, nos services ont été appelés pour un accident s'étant produit près d'un commerce ouvert toute la nuit dans le centre-ville. Nous avons ramené la personne aux urgences pour la soigner, il s'avère qu'il s'appelle Ulym Genallu. Est-ce votre époux ?"
A la mention d'un accident, des larmes avaient commencé à couler et un nœud se serrait violemment dans mon ventre. Dans un souffle entrecoupé de sanglots, je répondis :
"Oui, c'est mon mari, dites-moi ce qu'il a, dites-moi… s'il est encore en vie !!
-Madame, je sais que c'est dur, mais essayez de vous calmer. Les médecins n'ont pas fini de s'occuper de lui, et tout ce que je peux vous dire par téléphone, c'est qu'il est en vie, et que le pronostic vital est favorable…
-Très bien, la coupai-je, reniflant, j'arrive de suite.
-Madame, madame, prenez-le temps de vous ressaisir, n'allez pas vous blesser…"

 

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La suite se perdit dans le vide, j'avais déjà lâché le téléphone.
Pas un instant à perdre, mon esprit ne cessait de projeter des visons d'Ulym, le corps ensanglanté, allongé sur d'affreuses tables en inox. Je n'ai pas vraiment réfléchi, sur le coup, une seule chose m'importait, c'était de le rejoindre. Cependant, je ne pouvais laisser les enfants. J'ai donc foncé au premier les tirer du lit en catastrophe. Inutile de dire que les filles ont été passablement affolées, et moi peu compréhensive. Une seule chose comptait : rejoindre l'hôpital.

Galvanisées par mes ordres secs et bref – et probablement par mes larmes qui coulaient, maintenant que j'y pense – les filles retournèrent dans les habits qu'elles avaient quitté, quoi ? Quelques heures plus tôt, quand notre vie était encore heureuse et ordonnée. J'en profitais pour habiller Luke à la va-vite, prenant en fait à peine le temps de le réveiller.

 

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Grâce à cet empressement, nous sommes arrivés à l'hôpital un peu plus d'une demi-heure après le coup de fil. Grâce au ciel, devrais-je aussi dire, car j'ai roulé, d'une part très – trop – vite, d'autre part j'étais dans un état second, tentant d'écarter mes visions d'horreurs pour me concentrer sur la route.

Il était donc presque deux heures du matin quand nous avons poussé la porte des urgences. En entrant, un frisson parcourut ma colonne vertébrale, et le nœud dans mon ventre se resserra un peu.
"Calme-toi, pensai-je, fais le pour les enfants. La dame a dit pronostic vital favorable"
Pff, comme si ces mots tellement… tellement… froids et impersonnels pouvaient décrire mon Ulym, ma joie de vivre, mon amour !!

N'arrivant pas à me ressaisir, je m'avançais vers l'accueil, les larmes inondant toujours mon visage.

 

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Deux femmes s'occupaient de l'accueil, une qui paraissait débuter sa carrière, l'autre plus âgée.
"Je suis Ymaëlle Genallu, vous m'avez appelé au sujet de mon mari. Où en est-il ?"
Fi des protocoles. Je ne vais certainement pas m'en embarrasser, il faut que je sache, il faut que je le voie !
"Madame Genallu ?! C'est moi que vous avez eu au téléphone tout à l'heure"
C'était la jeune fille.
"Vous m'avez fait tellement peur tout à l'heure, j'ai crains que vous n'ayez un accident !
-Mon mari… " Ma voix mourut sur ces mots, je ne voulais pas discuter, je voulais qu'elle me dise !
"Heu, oui, et bien écoutez, je n'ai pas grand-chose à vous dire de plus, le médecin l'opère toujours.
-Comment ça on l'opère ? Mais dites moi, enfin ! Dites moi, où est-il blessé, est-ce grave, je ne sais pas moi, dites moi quelque chose !!"
Ma fureur débordait. J'avais envie de prendre cette fille par les épaules et de la secouer ! Comment ça, rien de plus à me dire ? C'est ce qu'on va voir !

Les deux femmes échangèrent un regard. La plus âgée prit la parole :
"Madame, nous comprenons votre désarroi, je peux peut-être discuter de ça avec vous, mais, regardez la salle d'attente derrière vous, je crois qu'il est préférable d'éloigner les jeunes oreilles…"

 

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Ciel ! Cette femme avait raison ! Quoi qu'elle ait à m'annoncer, je me devais de protéger les enfants, il s'agissait de leur père.
Tenant toujours Luke, je me dirigeais donc vers les fauteuils de la salle d'attente. Je posais Luke et m'agenouillai au niveau des filles.
"Maïa, Lou, vous êtes de grandes filles, vous voulez bien garder Luke pour maman quelques instant? Je ne serai pas loin, mais je dois parler aux dames."
Deux grandes paires d'yeux bleus effrayés se levèrent vers moi. Maïa, toujours la  plus entreprenante, prit la parole :
"Maman, papa ne va pas bien ?"
Les larmes que je voyais grossir dans ses yeux tandis qu'elle me posait cette question ne m'aidèrent guère à contenir les miennes qui roulaient toujours sur mes joues.
-Ecoutez, mes petites puces, je ne sais pas comment va papa, ce sont les dames là-bas qui vont me le dire. Papa a eu un accident et si je veux avoir de ces nouvelles, restez ici avec Luke, s'il vous plait."

C'est moche. C'est presque du chantage. Mais tous ces obstacles entre la vérité et moi me font faire n'importe quoi. Cependant, les filles baissèrent la tête. Maïa, d'une voix chevrotante, me dit d'y aller, que sa sœur et elle garderaient Luke.
Vivement, je me relevais et filais vers l'accueil. J'étais sûre d'avoir vu l'éclat d'une larme sur la joue de ma fille, mais je n'ai pas pris le temps de la consoler. Je sentais qu'on aurait tout le temps plus tard.

 

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"Madame, s'il vous plait, pouvez-vous me dire ce qui est arrivé à mon mari ??
-Je vais vous dire tout ce que je sais : nous avons eu un appel provenant d'une superette…
-NON ! Sa santé ! Dîtes-moi ce que je dois savoir !!" la coupai-je brusquement.
La personne ne parut pas s'offusquer de ma brusquerie. Elle reprit son récit :
"Il semble qu'il ait été renversé par une voiture qui roulait trop vite. Lorsqu'il est arrivé, les médecins l'ont immédiatement pris en charge, et les infirmières du bloc opératoire nous ont fait passer son portefeuille pour qu'on vous appelle. Elles nous ont dit très peu de choses, seulement qu'il n'était pas mortellement blessé, et que donc, les médecins avaient bon espoir"

Ouf. Le soulagement qui m'inonda fit flageoler mes jambes et je dus me retenir au comptoir pour ne pas tomber.
"Je… heu… Excusez-moi, d'avoir été si vive… J'étais, heu… folle d'inquiétude, je crois".
L"infirmière la plus âgée me regarda avec un sourire chaleureux et me rassura :
"Vous savez, nous avons l'habitude. Il est difficile d'annoncer ces choses là dans le calme. Si vous voulez, je peux monter au bloc pour voir s'il y a de nouvelles informations.
-Je vous en serai extrêmement reconnaissante, oui.
- Maintenant, si je peux me permettre un conseil, vous avez là 3 jeunes enfants qui devraient dormir à l'heure qu'il est.
-Heu... oui, je n'ai pas trop su… heu, j'ai préféré les prendre…
-Vous avez bien fait. Mais étant donné que la garderie de l'hôpital est fermée la nuit, n'y a-t-il personne que vous puissiez joindre pour les garder ?
-A cette heure ? heu, je ne sais pas…
-Les grands-parents, peut-être ?"
Diable, ma cervelle refusait de tourner correctement ! Pourquoi n'y avais-je pas pensé ! Bien sûr, que je pouvais appeler mes parents !
"Oui, vous avez raison, j'appelle tout de suite ma mère."

 

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J'appelai donc maman dans la minute. Comme on peut l'imaginer, à 2 heures du matin passé, ça n'a pas été sans mal que je lui ai expliqué la situation. Mais, par chance, elle a réagi vite et, habitant à proximité du CHU, elle est arrivée peu de temps après.
"Ymaëlle, ma chérie, qu'est-ce qui se passe, je n'ai pas tout compris au téléphone !"
En voyant les larmes qui s'étaient remises à couler sur mon visage, elle s'approcha et tendit les bras pour m'enlacer.
J'essuyai mes larmes d'un revers de main et ébauchai un piètre sourire :
"C'est Ulym, maman, il a été renversé par une voiture
- OH !!"
Maman ouvrit de grands yeux et plaqua une main sur sa bouche
"Mon Dieu, est-il… ?
-Il est en train d'être opéré. Les médecins ont dit qu'il devrait s'en sortir"

En répétant ces phrases ô combien réconfortant, je lus le soulagement sur le visage de ma mère. Soulagement qui n'avait rien à voir avec celui que je ressentais encore ! J'avais tellement eu peur !

 

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"En fait, repris-je, j'aurai besoin que tu ramènes les enfants chez toi
-Oh ! Les enfants, je ne les avais pas vu. Tu les as amené ici ?? A cette heure ??
-Oui, maman, tu sais, quand l'hôpital m'a appelé, je n'ai pas beaucoup réfléchi…
-Oui, je comprends, bien sûr. Et bien écoute, que veux-tu ? Je les ramène tout de suite et je reviens ?
-Non non, attends, je t'ai déjà fait lever au milieu de la nuit. Rentrez tous, remets-les au lit, moi je vais rester ici jusqu'à… heu, en fait, je ne sais pas. Peut-être jusqu'à ce que j'ai un peu plus de nouvelles.
-D'accord, très bien, je les emmène, effectivement, ils ont l'air fatigués les pauvres choux. Appelle-moi demain matin, tu veux, pour me donner des nouvelles
-D'accord maman, pas de souci
-Très bien. Bon, et bien les enfants, vous venez avec Mamie ?"

 

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Après avoir rassemblé la petite troupe, ma mère parti installer Luke dans son siège auto. Maïa en profita pour se glisser près de moi et me serrer très fort. Je m'accroupis et lui rendis son étreinte. Qu'il était bon de serrer ma fille dans ses bras en ce moment !
"Maman, me chuchota-t-elle à l'oreille, Papa va guérir, hein ?"
Je la regardai dans les yeux et lui souris. Enfin un vrai sourire !
-Ma puce, les infirmières m'ont dit que ton papa est malade pour l'instant. Les docteurs vont le soigner, et ils m'ont dit qu'il irait mieux. Il faudra peut-être attendre un peu, c'est tout !"
Enfin, Maïa aussi retrouva le sourire. Elle se rapprocha de mon oreille pour y glisser :
"De toute façon, papa, il est avec des docteurs qui le soignent et avec toi qui l'aime. Il est obligé de guérir !!"
Je me relevai en lui ébouriffant la tête :
"C'est sûr ma petite puce ! Et puis tu viendras le voir pour lui dire que toi aussi tu l'aimes. Allez, maintenant, file rejoindre Mamie.
-D'accord !!"
Et elle fila sur les traces de sa grand-mère.

 

Et m'autorisant enfin un peu d'espoir, je m'assis dans la salle d'attente, attendant que l'infirmière partie aux nouvelles redescende.

 

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Je ne saurais dire aujourd'hui combien de temps j'ai attendu. Parfois, j'ai l'impression que c'était des heures, parfois, le temps m'a semblé filer à une vitesse étourdissante. Sans doute était-ce le ballet incessant des pensées morbides tournant dans ma tête qui créait cet effet. Car l'infirmière m'avait rassurée, mais moi, être de chair, de sang et surtout de sentiments, je ne pouvais empêcher une partie de mon esprit de douter. Et cette partie ne serait rassurée que quand j'aurais vu Ulym, quand je l'aurais touché, respiré. A ce moment-là, je pensais encore que mon esprit ne saurait être en paix que lorsque j'aurais satisfait à la reconnaissance tactile qu'exigeait mon corps.

Enfin, après ce temps finalement indéterminé, le "ding" de l'ascenseur retentit. Avec soulagement, je levais les yeux vers cette infirmière qui était montée aux nouvelles. "Maëva", indiquait son badge. Fébrile, je la laissais venir à moi.
"Madame Genallu, votre mari vient de sortir du bloc opératoire et est en réanimation. Je ne sais pas si vous pourrez le voir ce soir, mais je viens de voir le médecin qui l'a opéré, vous pouvez aller lui parler, il est au troisième étage.
-Merci, merci, merci beaucoup, madame. J'y monte tout de suite !"
Maëva sourit :
"Allez vite, et demandez le docteur Chambot"

 

20

Troisième étage. Un couloir sombre, gris et froid. Je me dirige vers le premier homme en blouse blanche que je croise et demande le docteur Chambot.
"C'est moi, madame, vous devez être la femme de l'homme accidenté ?
-Oui, je suis Ymaëlle Genallu. Alors, docteur, dites moi ce qu'il a !
-Et bien, votre mari a finalement eu une certaine chance. Le choc a été violent, mais aucun organe vital n'a été atteint. Il avait de vilaines plaies qui l'ont fait beaucoup saigner, mais nous nous en sommes occupés. Il a des contusions sur tout le corps et une cheville cassée. Mais nous avons réparé tout ça…
-Oh mon dieu, merci docteur, le coupai-je. Je me suis fait un souci monstrueux, j'ai cru que le pire était arrivé ! "
A nouveau, des larmes coulaient sur mon visage, mais c'était des larmes de soulagement.
"J'aimerais beaucoup aller le voir, docteur.
-Ecoutez, ça, je ne préfère pas trop. Il vient juste d'être admis en réanimation, c'est un service délicat, et la politique de l'hôpital est d'éviter que les familles y rentrent.
-Ah. Bon…"
De petites rides autour des yeux du docteur laissaient deviner un sourire que je supposais paternel. Il reprit :
"Ne vous faîtes pas de souci, madame, il est entre de bonnes mains. Rentrez chez vous, allez vous coucher, et revenez lui demain, fraîche et pleine d'énergie !"

 

Et il tourna les talons. Ce doit être une technique de médecin, ça. Quoi qu'il en soit, je me sentis subitement vidée de toute mon énergie. Je sentais le poids des émotions de la soirée retomber brutalement sur mes épaules.

 

Un peu dépitée, je rappelais l'ascenseur pour rentrer chez moi.

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Commentaires
D
Merci beaucoup Tahomax, heureuse que ça te plaise. Je me dépèche pour la suite, vous m'avez tous motivée, elle est en route ! :D<br /> <br /> Lise
T
Bravo Delise, c'est une très belle histoire. J'attends la suite avec impatience.<br /> <br /> Bye<br /> <br /> tahomax
D
Bon, j'avoue, Fonsine, ça m'arrangeait beaucoup qu'on ne voit pas Ulym tout de suite, je n'ai pas trouvé de masque "blessé" à télécharger !:D Alors ça m'a bien arrangé qu'Ymaëlle ne voit pas son mari tout de suite !<br /> <br /> Pour le mauvais pressentiment que tu partages avec Aline et Aurélien... Mmmhhh... Nan, finalement, je ne dirai rien ! La prochaine mise à jour devrait, je pense, éclaircir le sort d'Ulym...<br /> <br /> Aline, moi cacher quelque chose ? naaaan, c'est pas mon genre *smiley angélique qui croise les doigts dans son dos*...<br /> <br /> Ne soit pas si dépitée, Anne, j'espère (j'ai bien dit "espère") que le prochaine MAJ ne tardera pas trop... Je suis contente que ça t'ai plu !<br /> <br /> Aurélien, tu ne vas tout de même pas te vexer pour si peu ?? Monsieur Enfin !! :D j'aime beaucoup !!<br /> <br /> Merci à tous d'être passés, vous me faîtes très plaisir!<br /> <br /> Lise
A
Monsieur Enfin aussi a un mauvais pressentiment ! Attention Anmi, je risquerais de me vexer, ce qui serait fâcheux ! ;-)
A
Que c'est bien écrit ! <br /> Je n'ai pas pu décrocher mes pensées de cette lecture et en aurais lu encore et encore si je n'étais arrivée, dépitée, à la fin de cette mise à jour !<br /> Merci pour ces émotions si bien rendues.
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